Chers administrateurs, chers conseillers,
Chers acteurs et usagers du Congrès,
Chers amis de notre langue.
Je vous souhaite à tous et à vos proches une bonne année, heureuse et prospère.
Pour l’occitan, tout comme l’année dernière, faire des vœux pour 2020 n’est pas chose aisée compte tenu de la situation…
De 2019 qui vient de s’achever, l’ONU en avait fait l’année internationale des langues autochtones, régionales pour nous. L’année avait commencé par une grande messe à l’UNESCO à Paris pour dire que toutes les langues avaient une grande valeur, qu’il fallait les conserver et les transmettre et patati et patata…
De 2019, le Ministère de l’Éducation Nationale et les rectorats en ont fait l’année de la dévalorisation et de la régression programmée de l’enseignement de l’occitan avec au niveau national la réforme mortifère du lycée et du baccalauréat et au niveau des rectorats une baisse des moyens. Toute l’année, le ministère, questionné par des associations et des élus qui lui disaient leur inquiétude, a répondu n’importe quoi, pratiquement de fausses nouvelles (des fake news comme on dit aujourd’hui en français hybridé, cocacolonisé) prétendant même que la réforme « confortait » et « valorisait » l’enseignement des langues régionales, comme s’il ne comprenait pas ou ne voulait pas comprendre les conséquences mortifères de ses décisions.
Lo Congrès, outil commun des acteurs et utilisateurs de l’occitan, ne pouvait pas dans ce contexte se contenter de faire de la régulation et des productions linguistiques comme si de rien était. À qui serviraient-elles demain si l’enseignement était liquidé ? Lo Congrès a bien participé à la lutte et a pris des initiatives pour rassembler et mobiliser du monde.
Nous avons participé à des audiences avec la présidente de la Région Occitanie, avec le président de la Région Nouvelle-Aquitaine et contribué au travail de la Felco et de la Flarep (Conférence de presse à Toulouse, animation du colloque de la Flarep). Nous avons organisé avec ELEN, réseau européen pour l’égalité des langues, une journée d’étude et d’échange sur les langues régionales au Palais du Luxembourg le 8 avril pour alerter les élus. Toutes les langues régionales étaient représentées. Les actes seront bientôt disponibles sur le site du Congrès. Suite à cette journée, nous avons alimenté la réflexion des sénateurs pour la discussion du projet de loi pour une école de la confiance. La loi n’a pas été améliorée mais le ministre a pu voir la détermination de quelques sénateurs et en a finalement reçu un, Alain Marc, qui m’a demandé de l’accompagner à l’audience. Le ministre a reconnu qu’il avait « appris des choses » et semblait ouvert à l’idée de faire des ajustements si la rentrée confirmait la dévalorisation, la fragilisation, la régression que nous annoncions.
La rentrée a, hélas, donné complètement raison à tous ceux qui annonçaient la catastrophe… Sur l’ensemble du Pays d’oc, les cours d’occitan ont fermé dans une vingtaine de lycées alors qu’il faudrait en ouvrir et les effectifs ont baissé de plus de 20 % ! Les services du MEN ne peuvent plus continuer à nier la catastrophe, sauf s’ils souhaitent nous noyer. Aucune concertation, aucun amendement pour améliorer la réforme n’a encore été annoncé. Il faut continuer à les leur réclamer par tous les moyens possibles… Lo Congrès participe à ces demandes et démarches, c’est une de ses priorités pour 2020. Le 13 janvier il était représenté dans une délégation qui a rencontré un conseiller du Président de la République a Pau.
Les démarches pour tenter de sauver l’enseignement de l’occitan n’ont pas empêché lo Congrès de mener en 2019 son travail de régulation, de production d’outils et de mise en œuvre de sa feuille de route du numérique. Le travail normatif s’est concrétisé par la création d'outils d’une grande utilité : clavier prédictif, correcteur orthographique, conjugueur en occitan de Provence. Le Basic – lexique français occitan orthographique de référence qui met en valeur tout ce qui est commun et de plus répandu dans l’ensemble occitan mais fait également ressortir les spécificités des principales variétés de la langue – est enfin achevé. Tous les occitans pourront se reconnaître dans le même dictionnaire, ce qui n’a guère été le cas depuis Piat et Mistral !
Lo Congrès a participé à des colloques (Parlers du Croissant à Montluçon, Colloques du Centenaire d’Euskaltzaindia) et a organisé avec la région et le CIRDOC deux journées à l’Hôtel de Région Occitanie à Toulouse sur « La langue et la culture occitanes au service du développement des territoires ». À cette occasion, une convention a été signée avec l’IGN qui va permettre les corrections des toponymes occitans. Lo Congrès a aussi un partenariat avec Wikimedia pour développer la présence orale de l'occitan en ligne.
De plus en plus d’usagers vont sur le site locongres.org (330 000 en 2018 et presque 400 000 en 2019 !), ce qui prouve l’utilité de notre travail.
Pour 2020 nous pouvons d’ores et déjà annoncer la synthèse vocale, un traducteur automatique, l’édition du Palay, le conjugueur de l’occitan limousin, etc.
Mais 2020 est l’année de tous les dangers pour l’occitan avec la menace sur l’enseignement mais aussi sur les possibilités des associations de promotion de l’occitan. Lo Congrès aussi, comme outil commun des acteurs et des utilisateurs de l’occitan, aura du mal à maintenir cette année son niveau d’activité.
La mobilisation unitaire de toutes et tous est indispensable et lo Congrès y contribuera.
Au delà de la simple bonne année, je vous souhaite donc une bonne, forte et productive mobilisation. Ce n’est que si nous la réussissons ensemble que l’année sera bonne.
Gilbert Mercadier
Président du Congrès permanent de la langue occitane